Elle savait dès sa naissance qu’un jour tout sera terminé. C’est ainsi va la vie. Même pour cette jolie feuille d’érable. A vrai dire, elle ne se plaint pas. Tu ne devrais pas te plaindre lui répète souvent le tronc.
Elle se souvient très bien de sa naissance un beau jour du printemps dernier, périlleuse, certes, mais sans faire l’appel à des forceps. Durant des mois entiers, elle ne se souciait nullement de son avenir, se contentant de vivre, au grès du temps, du vent, de la pluie, savourant plus particulièrement les rayons du soleil. Elle languissait sur une branche, suffisamment haut perché pour ne pas rencontrer malencontreusement une main humaine qui pour lui arracher prématurément la vie.
Hier, dès le premier sourire du soleil, elle a découvert la mutation de sa peau. Elle s‘est trouvée toujours belle, les petites aspérités la rendent unique, les nervures dynamique, les formes pointues espiègle. C’est sa couleur qui commençait à changer. Elle ne s’est plainte pas, à son habitude. Elle s’impatiente même d’obtenir le rouge écarlate flamboyant qui la différencie des autres feuilles en automne. Ainsi, même si elle sait désormais que son temps est compté, cela ne la trouble pas.
Tous les matins, elle s’admire et regarde ses feuilles-sœurs. Elles se font des clins d’œil, parfois un souffle de vent les rapproche, elles se caressent en douceur, car un geste brutale pourrait leur être fatal et les faire tomber au sol.
Non, elle fait tout pour éviter telle fin. Alors, elle sert les fesses et s’accroche à sa petite branche. Elle a de la chance, une branche voisine, un peu plus solide la cale et la protège, elle peut espérer à prolonger son existence en haut de l’érable.
Ce matin pourtant, elle devine que sa position n’est plus très stable. Quelque chose a du se passer cette nuit, durant son sommeil. Il n’y a presque plus de feuilles sur sa branche. Elles sont trois et se regardent tristement, leur couleurs deviennent cramoisies, leur peut flétrit à vue d’œil/ laquelle tombera la première?
Un crissement de pas la fait sursauter. Elle n’ose pas se pencher de peur de glisser, jette un coup d’œil craintif. Un enfant s’est arrêté au pied de l’arbre, visiblement émerveillé. Il ramasse les feuilles jonchées au sol et s’écrit à chaque fois qu’il en ramasse une : oh ! c’est la plus belle !
Soudain il lève la tête et l’aperçoit, s’accrochant péniblement à sa branche. Il lève les mains vers elle, rassemblées comme dans une prière. Descends s’il te plaît, c’est toi la plus belle ! J’en ai besoin, vraiment.
Il veut lui dire, qu’elle vivra encore auprès de lui, car il la collera dans son carnet intime. Il n’a pas besoin le dire. Elle le devine et se laisse tomber… dans ses bras.